Lola Quivoron, cinéaste : « Pour moi, tout ce qui se fige est mortifère »

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La Méhari tangue dans les virages, leurs cheveux se mêlent dans les bourrasques. De l’arrière, on crie : « Alors, c’était bien ce GR20 ? » Lola Quivoron et sa compagne, Antonia Buresi, viennent de parcourir la partie nord du chemin de randonnée réputé le plus difficile d’Europe. Neuf jours dans la montagne corse.
« Quand tu marches, tu penses.
— Pardon ? Je n’ai pas entendu…
— Quand tu marches, tu penses… Epopée incroyable, beaucoup d’émotion. La montée vers Tighjettu, 1 200 mètres de dénivelé, tu arrives à la pointe des éboulis, que de la caillasse, tu es sur Mars, face à des immensités immuables… Tu n’es plus qu’un détail dans ce monde qui te préexiste… Une forme de disproportion au fond rassurante : un changement d’échelle, un rapport à l’histoire géologique qui te replace dans le monde. »
Virage à gauche. On se rattrape aux montants. Lola Quivoron, 35 ans, la réalisatrice remarquée de Rodeo, coup de cœur du jury Un certain regard à Cannes en 2022, n’est pas corse, mais depuis qu’elle a rencontré l’actrice Antonia Buresi, c’est devenu sa terre d’adoption. Vue notamment dans Les héros ne meurent jamais (2019), d’Aude Léa Rapin, C’est ça l’amour (2019), de Claire Burger, ou Enquête sur un scandale d’Etat (2022), de Thierry de Peretti, celle-ci est corse de chez corse. Son arrière-grand-père, Jean Nicoli, communiste, résistant, exécuté par les fascistes italiens en 1943, a donné ici son nom à des avenues, des places, et même à un ferry.
Il y a huit ans en sortant de la Fémis, Lola Quivoron tombe amoureuse d’Antonia, et Antonia de Lola. Depuis, elles marchent ensemble, sans prosélytisme, dogmatisme ou revendication queer, juste un truc qui transpire la joie… « Une forme d’alliance artistique et créative. Je peux tout faire avec Antonia, faire le GR20 ou aller sur une île déserte. On voit qu’autour de nous nos amis ne vont pas bien, les gens sont seuls, nous, on a une chance inouïe. » Dans Rodeo, Antonia tenait un des rôles principaux, était mentionnée au générique pour l’écriture du scénario. Auparavant, elles avaient réalisé Headshot. Roulette russe (2019), leur caméra suivant à travers l’Europe la performance théâtrale (un jeu de roulette russe symbolique) des Portugais Joao Galante et Ana Borralho, et dressant, de fait, le portrait d’une jeunesse en plein questionnement.
C’est encore ensemble qu’elles s’attellent aujourd’hui à l’écriture du prochain long-métrage de Lola, en montant s’isoler à San-Gavino-di-Carbini, dans la maison familiale peuplée de fantômes bienveillants et d’énergies intellectuelles. « Au village, on écrit vraiment avec les ancêtres, remarque la réalisatrice. Je crois aux énergies du point de vue de ce qui a été déposé avant nous. »
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